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Les femmes qui trempent dans l’huile du peintre

 

Je regardais le téléfilm le déjeuner des canotiers, le 1er épisode d’un divertissement le vernis craque. Vagabondant sur les images, il m’est venu à l’esprit une saccade de pensées selon laquelle en matière de peinture, il faut arrêter de vouloir plaire, ou alors nous faisons du commercial. Je pense que la réussite est d’abord celle de la créativité que l’artiste parvient à exprimer sur une toile, une pierre ou sur du bois, voire d’autres supports. Vendre un tableau est toujours intéressant, à la fois sur le plan pécuniaire, émotionnel et de l’orgueil, mais pour la réalisation de soi en tant que créateur, il est une malédiction que de chercher à répondre à un public qui a de l’argent ou à un public qui ne serait là que pour féliciter. Le talent ou le générateur de croûtes est un dualisme que tout artiste devrait refuser. J’ai le plaisir d’abord de peindre pour moi, le reste est une goujaterie si on la recherche.

 

La célébrité est la culpabilité du mort

La plupart des peintres renommés l’ont été après leur mort, ou alors ils ont eu la chance de connaître une sphère de personnalités de haut standing ou l’insolence n’a pas sa place. Moi j’aime l’insolence, c’est inné. Il faut de la subtilité pour la manier sans torturer ses modèles. Par exemple, Niki de Saint Phalle (1930-2002) s’est battue pour être respectée, et non pour être l’une des artistes les plus populaires du milieu du XXe siècle. Elle dérangeait autant avec son engagement politique et féministe, que par l’extrémisme de son verbe. Je me souviens avoir entendu cette artiste répondre à un journaliste qui lui faisait des reproches sur son art, que pour lui sans doute une femme devrait se contenter de peindre des bouquets de fleurs ?! Douze ans après son décès, la voilà exposée au Grand Palais à Paris, qui plus est avec un nouveau regard… Mais pourquoi faudrait-il tant d’année pour que le regard des visiteurs soit moins radical ?

 

Continuer malgré tout

Ses Nanas de l’époque dérangeaient, aujourd’hui elles s’imposent comme des pièces de collection. Un peintre contemporain ne prend pas les couteaux pour être célèbre, ni pour rencontrer du monde. Pourtant il continue parfois sa galère pour continuer à peindre des toiles. Prenez Renoir qui a même connu une période où il ne pouvait plus trouver de modèles féminins !

 

Même la mode se fait créative, certes parfois un peu décalée et excentrique, et il faut de la personnalité pour la porter. Un peintre moderne doit aussi exprimer sa personnalité et être bien établi dans son for intérieur pour rester stable aux attaques minutieuses de la critique qui dépose parfois de l’ADN sur ses propres chaussures.

 

Ne jamais se renier est essentiel

La reconnaissance de l’œuvre d’un artiste peintre est rarement immédiate, principalement s’il est anticonformiste ou si son geste pictural est personnel et direct, voire radical. Les premières années de peintures, les formes, les couleurs et les sujets changent, et plus vous trouvez votre style, moins vous êtes pris au sérieux. Jusqu’au moment où vous arrêtez de vouloir vous imposer. Ce vendredi, un ami a critiqué mes peintures de femmes nues, simplement parce que l’anniversaire de la disparition de sa femme le rendait malheureux. C’est cela un artiste peintre contemporain, il y a d’un côté ses farouches opposants et de l’autre d’ardents défenseurs. Il ne faut jamais renier son style, ni son engagement, ni arrêter d’aimer ses ami(e)s.

 

Le syndrome de la sardine à l’huile

En ce qui me concerne, je peins les nus de femmes avec amour plus qu’avec passion. Je ne triche pas avec la femme, et je peins sans ablation son impact érotique ou sensuel. Un tableau de peintre n’a pas vocation de générer de l’argent ; le prestige est sexuellement transmissible. Le peintre contemporain peut exhiber des jambes à rallonges, des poitrines opulentes et des visages découpés s’il le veut, peu importe, il reste vendable. Mais pas vendu à un public. La beauté d’une peinture à l’huile n’est pas dans la garniture qu’il met dans l’assiette du regard des visiteurs de sa galerie, l’élégance peut être dans l’exception de ce qu’il produit. Une peinture à l’huile est comme une sardine, soit elle est grillée et délicieuse pour les uns alors que les autres n’aiment pas la cuisson, soit elle brille et est calibrée pour répondre à la majorité consommatrice, mais n’a plus de tête dans sa boite remplie d’huile.

 

Le sentiment prime sur la forme

Peindre une femme ravissante sans lui restituer sa beauté plastique n’est pas lui ravir sa féminité, en tout cas je n’ai pas l’impression de trahir l’amour que j’ai pour la gent féminine. L’exception d’un geste au couteau n’est pas une dépression qualitative, ni le drame d’un nez tord. La forme dans le tableau est sans importance, le sentiment qui émane d’une toile peinte est le génie du peintre, duquel n’écume aucun talent reconnu. Mais je me fous du talent, j’exprime un style. Si l’artiste montre tout sans que le visiteur ne cherche, il n’en fait qu’un touriste et non une présence attentive. Le public ne doit pas entrer dans une galerie mais dans un atelier. Le visiteur ne doit pas venir pour acheter mais pour découvrir. Il n’est pas là pour critiquer, mais pour aimer ou ne pas aimer. Il doit surtout être là, et non passer par là.

 

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